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Philippe Bourlitio

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Dossier Science et démocratie

Quel jugement pour les faucheurs d'OGM ?

Philippe BOURLITIO. Édition du 20 août 2005.

Depuis 1997, les OGM constituent un sujet récurrent dans les médias comme dans la société civile. Durant cette période, plusieurs sondages ont montré que les Français ou les Européens, dans leur majorité, rejetaient cette application du « génie génétique ». Un moratoire avait même été obtenu au niveau européen en 1999. Pourtant, inéluctablement, les OGM s'imposent à nous. Pour contraindre le gouvernement français à prêter l'oreille aux sons de la rue, les opérations de destruction d'OGM sont régulièrement menées et José Bové, arrêté lors d'une de ces séances d'arrachage le 05 septembre 2004, a revendiqué, au nom de tous les Français, le droit à un référendum sur les OGM [1]. En vue des procès de faucheurs d'OGM, il est important de se demander dans quelle mesure la défense de l'intérêt général est une excuse valable à la désobéissance civile prônée par M. Bové. Voici quelques éléments qu'il me semble important de prendre en considération.

Où l'on voit s'imposer les OGM

Depuis 1997, de nombreux débats publics ont été organisés sous l'impulsion d'associations, mais aussi des pouvoirs publics, comme la conférence de citoyens sur les OGM de 1998 et le débat sur les cultures d'OGM en plein champ de 2002. Quelles avancées ces discussions ont-elles permises ? Elles ont au moins fait ressortir les attentes des citoyens. Et si les recommandations rédigées à l'issue des deux débats officiels n'ont pas été immédiatement prises en compte, il semble, en suivant l'actualité des OGM, que les choses se mettent en place petit à petit. Ainsi, une loi sur l'étiquetage des produits comportant des OGM a été promulguée en 2004, pour préserver le libre choix des consommateurs. C'est un pas en avant, même si cette loi présente encore des lacunes [2]. Et quand ce n'est pas une loi qui intervient, c'est une négociation financière, comme l'illustre la question des contaminations de cultures non-OGM par des cultures OGM :

La coexistence se rapporte à la perte économique potentielle due au mélange fortuit de cultures génétiquement modifiées et d'autres cultures, qui pourrait entraîner une diminution de leur valeur, à l'élaboration de mesures de gestion réalistes pour minimiser le risque de mélange fortuit, et au coût de ces mesures.

Cette citation est tirée des recommandations de la commission européenne sur la coexistence des cultures en juillet 2003 [3]. Et c'est effectivement sur cette voie que se sont engagées les négociations avec les cultivateurs de maïs bio : en avril 2004, la FNAB n'attendait plus que lui soit reconnu le droit à une indemnisation portant sur les quelques rangs dits "tampons" en cas de contaminations de ses cultures [4].

Finalement, ces produits technologiques deviennent de plus en plus présents, inéluctablement, malgré les protestations. On développe d'abord, on consulte et on réglemente ensuite seulement, si nécessaire. C'est la logique qui semble prévaloir et contre laquelle quelques uns se battent, légalement ou non.

Insuffisance du système représentatif

Selon le principe de la démocratie représentative, les décisions politiques sont prises par des personnes que nous avons élues pour nous représenter. Lorsque la majorité des Français n'est plus d'accord avec une politique générale, les élections permettent le remplacement de ces élus. Mais ce mécanisme ne permet pas aux citoyens de faire infléchir une décision politique particulière sans mettre en péril la totalité du programme dans lequel elle est inscrite. Or, le dossier des OGM, comme de toute technologie à risque, ne peut être et ne doit être une question de parti politique. Le mode représentatif n'est donc pas un processus démocratique adapté à notre problématique. Les résultats de sondages et les consultations que le Ministère de l'Agriculture met en place concernant les autorisations de programmes de recherche chaque année montre bien la distance existante entre deux réalités qui aujourd'hui s'affrontent, celle du politique et celle du citoyen.

Avancées et limites de la démocratie directe

En France, la décentralisation de l'administration, amorcée en 1982, a laissé entrevoir de nouveaux recours. En effet, dans le cadre de cette décentralisation, ce sont quatre textes de lois qui seront promulgués de 1992 à 2004 pour permettre aux collectivités d'une part de consulter leurs électeurs, et aux citoyens d'autre part de demander une telle consultation [5]. Cependant, les deux textes antérieurs à la première destruction d'un champ OGM en France (1997) ne concernent que les communes et groupements de communes. À cette échelle, un certain nombre de maires désireux de protéger leurs administrés contre d'éventuels risques ont directement pris des arrêtés interdisant la culture des OGM. Bien que la révision constitutionnelle de 2003 instaure simultanément le droit de pétition des citoyens et le référendum local à valeur décisionnelle, et ce pour toutes les collectivités territoriales (article 72-1 de la Constitution), la première et l'unique démarche en ce sens est prévue pour septembre prochain avec un référendum sur les essais OGM en plein champ dans le département du Gers [6].

Pourquoi un tel désintérêt pour ce recours légal de la part des militants anti-OGM ? Probablement l'exemple des arrêtés anti-OGM a-t-il été disuasif. En effet, ceux-ci se sont vus quasi systématiquement annulés par les tribunaux [7] qui ont clairement rappelé que la collectivité est tenue de se limiter à des dossiers de sa compétence tandis que les autorisations de culture d'OGM sont l'apanage du ministre de l'agriculture. Ainsi, il y avait fort à parier que le référendum gersois à venir ne subisse la même sanction. C'est chose faite [8].

Recours au droit de pétition et nécessaire médiatisation

Face aux blocages évoqués précédemment, le seul recours qu'il nous reste est un héritage de la Révolution : le droit de pétition. Le site Vie-publique.fr en résume parfaitement les modalités [9] :

Aujourd'hui, le droit de pétition s'exerce en toute liberté, et s'accompagne dans bien des cas d'une publication des noms des signataires dans un journal, de manière à lui donner une résonance plus grande. Ces pétitions sont généralement adressées aux gouvernants (parlementaires, ministres, Premier ministre, Président de la République...), dans l'espoir qu'elles influenceront le cours politique.

À juste titre, l'emploi du terme « espoir » nous rappelle qu'on se trouve dans une situation non contraignante, dépendant plus d'aspirations personnelles que de règles collectives. L'actualité récente nous montre qu'il existe cependant quelques clés pour le succés d'une pétition en terme d'impact politique. Ainsi, on a vu, il y a quelques mois, comment le collectif « sauvons la recherche » a réussi à faire infléchir la politique du gouvernement en matière de recherche. Sa pétition, disponible sur Internet, a reçu en quelques mois plus de 300 000 signatures. Le mouvement avait été initié et solidement soutenu par les professionnels les plus concernés, des directeurs de labo de recherche qui avaient menacé de démissionner de leurs fonctions administratives. Ce moyen de pression a contribué au battage médiatique qui a popularisé leur mouvement et fait connaître leur pétition. D'autres n'ont pas recueilli le même succès. Par exemple, la pétition pour un référendum sur les OGM au niveau international lancée par le CRII-GEN, comité apolitique et non-militant d'expertise présidé par Corinne Lepage, n'a recueilli que 7 975 signatures au 09 mai 2005 alors qu'elle est disponible sur leur site web [10] depuis plusieurs années. Dans cette logique, il n'est pas surprenant que José Bové, Noël Mamère et d'autres élus locaux aient eu recours à des actions à fort potentiel médiatique en s'unissant dans des actions collectives illégales à l'encontre des OGM. À ce propos, on peut regretter le manque d'unité entre ces deux mouvements. Une meilleure solidarité dans l'action aurait permis à ces derniers d'entraîner dans leur sillage médiatique la pétition du CRII-GEN...

Page créée le 20 août 2005. Dernière édition le 20 août 2005.
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Références

[1] OGM : relâché, Bové veut un référendum. Le Nouvel Observateur, 06 septembre 2004.
http://archquo.nouvelobs.com/cgi/ articles?ad=societe/ 20040906.OBS6252.html&host=http:/ / permanent.nouvelobs.com/

[2] Nouvelle réglementation sur l'étiquetage : les OGM reviennent. Debats-science-societe.net, 18 avril 2004.
http://www.debats-science-societe.net/breves/ 2004/ 04/ 01.html

[3] OGM: la Commission publie des recommandations visant à assurer la coexistence des cultures génétiquement modifiées et des autres cultures. Communiqué de presse de la Commission européenne du 23 juillet 2003.
http://europa.eu.int/rapid/ start/ cgi/ guesten.ksh?p_action.gettxt=gt&doc=IP/ 03/ 1096|0|RAPID&lg=fr&display=

[4] Alban Moyaux. Coexistence maïs ogm et filière sans OGM, la FNAB demande le respect de "L'esprit et la lettre de la Directive européenne". Agrisalon.com, 23 avril 2004.
http://www.agrisalon.com/06-actu/ article-12740.php

[5] L'initiative citoyenne dans les lois françaises. Debats-science-societe.net, 29 mars 2005.
http://www.debats-science-societe.net/dossiers/ science-et-democratie/ lois-pour-l-initiative-citoyenne.html

[6] Un referendum d'initiative populaire sur les OGM ?. Debats-science-societe.net, 03 avril 2005.
http://www.debats-science-societe.net/breves/ 2005/ 04/ 01.html

[7] Matthieu ECOIFFIER. Les maires anti-OGM dans l’ornière. Inf'OGM, 14 novembre 2004.
http://www.infogm.org/breve.php3?id_breve=337

[8] Référendum gersois sur les OGM suspendu. Debats-science-societe.net, 20 août 2005.
http://www.debats-science-societe.net/breves/ 2005/ 08/ 03.html

[9] En signant des pétitions. La documentation française.
http://www.vie-publique.fr/decouverte_instit/ citoyen/ citoyen_2_6_0_q4.htm

[10] CRII-GEN. Pétition internationale pour un référendum.
http://www.crii-gen.org/moyen_action/ m_moyen_peti.htm

Pour en savoir plus

Le Collectif des Faucheurs Volontaires d'OGM s'exprime sur le site Monde Solidaire.
http://www.monde-solidaire.org/spip/ auteur.php3?id_auteur=869

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